Lenaïc était parfois coléreux, il lui arrivait de détester tout le monde et de vouer une haine innommable au monde tout entier qui l’entourait. Humain comme Atrien, même les Trags, groupe qu’il rêvait de rejoindre depuis sa création, même eux, il les enverrait bien valser. Au sens figuré du terme bien entendu, il ne pouvait pas sérieusement ne serait-ce que tenter de frapper un Trag. Ou même un atrien, aussi inoffensif soit-il. Et tout dépendait du gabarit de sa victime s’il s’agissait d’un humain. Un, bien sûr, il n’allait quand même pas frapper une fille, il avait tout de même quelques principes, même en voyant rouge. Mais un humain méritait toujours de se faire frapper par un humain, peu importait la raison. Logique imparable. Là n’était pas le problème. Lenaïc, énervé ou pas, avait toujours plus de chances de se blesser lui plutôt que la personne qu’il cherchait à blesser, justement. Et pas besoin d’avoir un gros QI pour le savoir, c’était comme marqué sur son front. « I wanna punch you, but I don’t wanna broke my hand. »  

Bref, un Lenaïc en colère n’avait, en soi, pas grand-chose de très impressionnant vu comme ça. Il ne s’agissait de rien d’autre qu’un gringalet à l’apparence boudeuse, les mains enfoncées dans le fond de ses poches et qui claque ses pieds contre le sol en espérant que cela suffise à ce que personne ne l’approche. Mais c’était également bien connu, Len n’obtenait jamais, ô grand jamais, ce qu’il voulait. Il ne convaincrait jamais sa petite sœur d’arrêter son éternelle vénération maladive pour les humains -qui, soit dit en passant, lui donnait parfois la gerbe. Il ne réussirait, non plus, jamais à intégrer les Trags, ce fameux groupe d’Atriens rebelles dont son propre oncle était à la tête, à moins que ce dernier ne soit frappé par la grâce d’il ne savait quel Dieu licorné. Ce même oncle qui lui avait claqué la porte au nez le matin même. Oui, car si notre Leny national était dans cet état de fureur, ce n’était pas simplement parce qu’il s’était levé du mauvais pied -donc le pied droit- ce matin, avec une simple et unique idée en tête : Emmerder son prochain.

Sa journée avait commencé ainsi, levé du pied droit, donc, traversé la cuisine à cloche pied puisque sa chaussette s’était fait la malle dans son lit, et il avait beau avoir retourné et sa couette et son matelas, elle n’avait jamais voulu revenir à son pied. Il avait donc passé ce début de matinée ensoleillé à se balader à travers la maison, pour le plus grand bonheur de ses parents, en sautillant avec le pied gauche en l’air, tout ce qu’il y avait de plus normal en principe, puisque le sol était beaucoup trop froid pour que ses orteils ne s’approchent trop près du sol. En éternel incompris, il avait été s’habiller, non sans tambouriner le sol bien comme il faut devant la chambre de Megara au  passage, au cas où celle-ci dormait encore, pour redevenir un être bipède normalement constitué. Il avait ensuite filé retrouver son oncle, pour lui rabattre encore les oreilles de ses nombreuses idées fumeuses, se plaindre de sa petite sœur, babiller encore et encore. Jusqu’à ce qu’il arrive à la porte du quartier général des Trags et que celle-ci se referme sur lui sans même obtenir un au-revoir de son oncle. Il était compréhensible que celui-ci n’en place pas une, il avait jamais été très causant de toute manière, et puis ce n’était pas comme s’il pouvait en placer une avec le plus jeune qui monopolisait la parole.

Il s’était donc retrouver là comme un imbécile et avait commencé à faire demi-tour avec cet air renfrogné qu’il avait décidé d’afficher pour le restant de la journée. Du moins jusqu’à ce qu’il voit sa future victime. « Amy ! » Certes, son visage était passé de l’énervement à l’enthousiasme sans crier gare, devais je préciser que Lenaïc était lunatique ? La brune affichait de son côté le même air morose et désintéressé qu’elle avait avant que Lenaïc ne l’appelle. Ce dernier accourait déjà vers elle, pas sportif, mais hyperactif quand même et pencha la tête sur le côté comme si la voir sous un nouvel angle pourrait lui donner une réponse satisfaisante, en l’absence de résultats satisfaisants, il préféra tout de même poser la dite question. « Bah qu’est ce qu’il t’arrive ? T’en tire une tête... On dirait moi après avoir fait le tour du secteur en courant et crois moi c’est pas beau à voir, hein. »

Se changer les idées, penser à autre chose, elle marchait dans les rues du secteur sans trop savoir quoi faire. Reiyel lui avait demandé l'aller faire quelques courses, mais elle n'avait pas envie d'y aller tout de suite, elle avait la tête ailleurs. La vérité, elle était toujours en colère. Bien que la colère soit un bien faible terme face au sentiment de rage et de haine qui habitait son corps. Le ressentiment coulait dans ses veines, accaparait son esprit et lui dictait ses moindres mouvements. Ses sentiments laissaient même un goût amer dans sa bouche. Elle était en colère contre lui, certes, cet imbécile qui n'avait fait que jouer avec elle. Elle lui en voulait, elle le détestait, mais il n'était pas le seul. Elle s'en voulait encore plus à elle-même, de ne pas être restée sur ses positions, d'avoir cru qu'il pouvait être différent de ce qu'elle avait pensé, il n'avait fait que bien cacher son jeu. Elle était en colère contre le monde entier, contre son frère, contre sa sœur, contre la race humaine.

Alors elle arpentait le secteur, cherchant à fuir ces propres pensées qui commençaient à lui faire peur. Elle qui avait toujours préféré avoir toutes les versions de l'histoire avant de porter jugement. Elle qui avait cette habitude de ne pas généraliser les faits, voilà que si elle pouvait faire payer au monde le prix de cette trahison, elle le ferait. Elle ne pouvait le nier, Attila avait pris le contrôle de sa vie, mais pas nécessairement de la bonne manière. Et alors que tout ce qu'elle souhaitait, c'était l'oublier, elle ne pouvait cesser d'y penser. C'était pire que de la torture. D'ailleurs, l'idée lui était venue en tête, peut-être la douleur physique pourrait lui faire oublier ses tourments. Elle avait donc pris sa décision, Rieyel travaillait surement, elle lui ramènerait ses courses plus tard, quand elle aurait fini de se morfondre sur son propre sort, sachant qu'il ne comprendrait jamais. Il était trop positif et si, habituellement, Amy aimait bien cet aspect de la personnalité de son frère, dernièrement, c'était la principale raison qui la faisait fuir leur appartement, trop de joie, de bonheur et d'optimisme pour elle. Elle se retenait de lui en coller une à chaque fois qu'il se montrait trop joyeux, alors elle sortait avant de poser le pire geste de toute sa vie. Elle avait donc pris la direction du terrain d'entraînement dans le but de s'y défouler.

Sauf qu'en chemin, perdu dans ses pensées, elle s'était arrêtée et s'était adossé au mur à côté d'elle et avait levé les yeux au ciel. Se défouler, mais après ? Il n'y avait aucun intérêt à fuir la réalité si c'est pour qu'elle nous rattrape plus rapidement par la suite. Elle poussa un soupir alors qu'une voix la tirait de ses pensées. « Amy ! » Elle releva la tête pour voir Lenaïc arrivé vers elle. Elle ne savait jamais à quoi s'attendre avec lui, il fallait avouer qu'il était plein de surprises. Mais au moins, Len n'était pas un fanatique des humains et pour l'instant, elle avait l'impression que c'était tout ce qui lui fallait. Oublier tout le reste, s'en détacher. Elle devait faire fit de ce qui s'était passé avec Attila et elle comptait bien le faire. Arrivé à sa hauteur, Lenaïc l'avait fixé un instant, ce qui lui avait valu de recevoir un regard mi-interrogateur et mi-ennuyé de la part d'Amy. Il était vraiment étrange celui-là quand on y pensait. « Bah qu’est ce qu’il t’arrive ? T’en tire une tête... On dirait moi après avoir fait le tour du secteur en courant et crois moi c’est pas beau à voir, hein. » Elle secoua la tête négativement, un peu désespérée, relativement exaspéré par la question alors que cette dernière lui avait tiré un sourire en coin. « J'imagine que ça ne doit pas être la plus belle chose de monde, effectivement... » Tenta-t-elle de plaisanter en repoussant de son esprit l'image d'un Leny couvert de sueur en courant dans tous les coins du Secteur. Elle finit tout de même par pousser un soupir résigné. « Il n'y a rien... Rien qui ne vaut la peine d'être mentionné ! » C'était ainsi, elle n'avait pas envie de partager ses erreurs avec le monde entier. Mais peut-être que les conseils de Len pourraient lui être utile. Elle préféra tout de même détourner la conversation d'une voix faussement joyeuse. « Et toi ? Tu vas bien ? » Elle lui lança un regard amusé avant de reprendre. « Laisse moi deviner, tu as encore vu Anastasiar ce matin ?! »