CORA ◊ c'est l'histoire d'un type qui rentre dans un café... ET PLOUF!

T'es un vrai bout de femme, c'est le moins qu'on puisse dire. Une vraie tempête.

T'es une visionnaire, du moins tu l'espères de tout ton coeur. T'as tes convictions, t'as tes idées et nul n'arrivera à te les arracher. T'es entêtée, ça c'est sûr. Evidemment, t'es bien trop réfléchie pour te laisser tenter par  des hurlements et insultes. T'as toujours joué la conciliante dans les conversations, en apparence, on pourrait t'imaginer calme et ouverte d'esprit, on pourrait te voir comme une femme à l'écoute. C'est tout le contraire. Quand ton sourire se fige sur ton visage, il y a de grandes chances que les insultes fusent dans un coin de ton esprit. T'es d'une nature violente mais t'as appris à camoufler les apparences. Tu te contentes d'intérioriser cette haine qui s'accumule pour la sortir dans les situations qui l'acceptent. T'as besoin d'avoir le contrôle, t'es une vraie maniaque sur ce point-là. Tu ne t'autorises jamais de craquer. T'as même appris à extérioriser toute cette rage de manière plutôt saine: tu fais de la boxe. T'es une combattante sur tous les fronts. T'es impétueuse et parfois tes idées sont pas les plus pacifiques, il faut l'admettre. Mais le passé t'a appris que les mots ne seront jamais suffisants, que le calme annonce souvent la tempête. Alors, ouais, il t'arrive d'avoir recours à une ardeur sans précédent, il t'arrive de te mêler à des actions que les gens jugent "illégales", "sans pitié", "sauvages". De ton côté tu te contentes de leur attribuer l'adjectif "nécessaires".

Mais c'est toujours comme ça, de toute façon. Personne n'est apte à te comprendre et à soutenir tes actions. Mais quand la victoire s'annoncera, ils ne pourront que te remercier. Tu sais très bien ce que les gens penseraient de toi s'ils savaient. "Oh regardez-la, regardez cette petite hypocrite qui se sert des gens". Ouais, t'es calculatrice et tu sais tirer avantage d'autrui mais de là à dire que tu n'es qu'une petite hypocrite égoïste et manipulatrice... Faut pas pousser. C'est pour la bonne cause après tout non? Puis faut admettre que c'est toujours plus facile pour toi, tu t'attaches pas si facilement aux gens. Ok, ils sont sympas, tu rigoles bien avec, tu les apprécies mais c'est pas pour autant que t'as prêté un serment de loyauté ou je-ne-sais-quoi après tout. Tu te le dis franchement: t'as pas d'amis, du moins pas comme l'entend la majorité des personnes. Si quelqu'un quitte ta vie, t'avances. C'est pour ça que t'as pas eu de problèmes à prendre Aly comme ton Bird. Certes, c'est ta meilleure amie mais faut admettre que c'était la cible parfaite. Oui, si jamais il lui arrivait quoique ce soit, tu le supporterais pas, c'est aussi ce qui ta motivé à faire ce choix. Personne des Red Hawks n'a le droit de la toucher. T'es protectrice au fond. Un peu trop. Tu demandes rarement la permission aux personnes et têtue comme t'es, tout ce qui se passe dans ton esprit sera toujours la meilleure chose à faire. Demande à ton frérot.

Faut pas s'étonner que toi et l'amour n'êtes définitivement pas faits pour vous rencontrer. A vrai dire, t'y songes pas vraiment. Bien sûr, t'as eu des relations amoureuses comme beaucoup de jeunes femmes de ton âge, mais rien de bien sérieux, ou du moins rien de bien sérieux à tes yeux. Tes ambitions avaient toujours plus d'importance dans ta vie, ça a été souvent la cause de tes nombreuses ruptures. Puis tu les emmerdes avec leurs idées préconçues de l'aboutissement parfait d'une vie. Tu les emmerdes avec leur cadre idéal de la petite famille, dans un charmant lotissement. Alors t'enchaînes surtout les relations charnelles, les histoires légères. T'auras d'autres jours pour penser au prince charmant.

Evidemment avec la compagnie, loin de tes idée d'un futur où la foule clame ton nom, t'es une autre personne. T'es cette fille toujours prête à déconner, un poil fêtarde, impulsive, qui voit la vie comme un défi. Tu lâches la bête quand tu le peux, cette bête que tu maintiens du mieux que tu peux bien trop souvent, cette bête sauvage, violente, animale qui reste tapie en toi la plupart du temps. Tu ris, tu cours, tu danses, tu chantes, tu cries. T'es facilement intenable. Le truc, c'est que c'est toujours un peu étrange ces changements de comportement, ces sautes d'humeur. Beaucoup ont du mal à s'y faire, tandis que d'autres se contentent d'apprécier. D'un coup tu t'énerves, puis pam un sourire presque terrifiant prend possession de ton visage et des mots d'une gentillesse presque malsaines franchissent le seuil de tes lèvres. Tu rigoles fort, puis pam, un sujet politique est abordé, et l'ambition prend la relève. T'es indomptable et t'aimes leur montrer, t'aimes leur montrer que jamais, ils ne seront les maîtres du jeu, que tu mèneras toujours la danse.

En fait, t'es pas nette. D'apparence impeccable, personne ne devrait savoir ce qui se trame au creux de tes songes ou il prendrait probablement peur. Chez toi ça a toujours été tout ou rien, t'as toujours été dans les extrêmes: trop passionnée, asociale. Le juste milieu c'est définitivement pas pour ta personne, faut croire.  

Cinq ans. Tu te rappelles que vaguement cette nuit-là et les deux années qui suivirent. Des images sont imprimées dans ta mémoire sans que tu ne saisisses leur importance. Putain de mémoire sélective, incapable de faire les bons choix, pas vrai? Tous tes souvenirs résident dans les récits avec lesquels on a pu te bercer. Mais t'en retiendras l'essentiel: ils t'ont pris ta mère. T'étais une gamine, merde. T'avais déjà du mal à comprendre où papa et maman partaient et surtout pourquoi. Comment t'aurais pu saisir l'ampleur de la situation. N'importe quel psychologue lierait ta haine pour les Atriens à cet épisode de ta vie. Bande d'amateurs pompeurs d'argent. Toi tu sais qu'elle était toujours pas là, même pas un embryon de ta colère était installée à ce moment. Juste de l'incompréhension, rien d'autre. La tristesse suivit elle aussi de près.

Sept ans. Le truc bizarre qui se passait dehors est fini. La vie reprit son cours. T'avais encore du mal à t'expliquer ou même à comprendre ce qui s'était produit, t'avais encore du mal à mettre des mots. Pourtant, t'en voulais des réponses. Tu te contentais d'écouter les bruits qui couraient, tu te contentais d'entendre tes amis raconter des rumeurs. Mais toujours pas colère. La peur avait fait son nid, à présent. T'essayais néanmoins de pas le laisser paraître, t'avais pas envie qu'on se moque de toi. T'avais été spectatrice d'un gosse qu'on martyrisait depuis que le bruit de sa terreur avait fait le tour de l'école. Tu voulais pas qu'on te réserve le même sort. Premiers problèmes de comportement. Rien de bien grave. Fourrage de colle dans le nez pour faire rire la classe, croche-patte "incongrue". Ce genre de choses. On te disputait souvent mais tant pis, t'avais l'air d'une dure au moins. Sept ans, l'âge de raison. Mon cul, ouais.

Dix ans. Ton père est toujours autant dévasté. T'y avais pas prêté attention jusque là. Peut-être que tu voulais plus repenser à ces questions qui te hantaient. Peut-être que t'étais encore dans une sorte de déni. Mais tu sais pas pourquoi, d'un coup, ça t'a frappé de plein fouet. Tu veux pas le rendre plus triste qu'il ne l'est alors tu limites tes bêtises, du moins tu comptes davantage sur la subtilité et la discrétion. T'es une vraie peste. Mais peu le savent mais ces derniers se demandent ce que ça va donner plus tard. Une sociopathe manipulatrice? Une très bonne politicienne? Ta peur ne te quitte pas mais elle commence à nourrir cette rage. Pourquoi? Pourquoi tu devrais avoir peur sur tes propres terres? Pourquoi tu devrais être terrifiée alors que tu n'as rien fait de mal? A vrai dire, c'est tes discours hypocrites pour convaincre les autres que tu t'en foutais qui t'ont fait partir dans cette direction. "Moi j'ai pas peur, pourquoi je devrais en avoir peur hein?". C'est tout con quand on y pense. Les mots se sont alignés par eux-mêmes et ont provoqué cette étrange réaction. Puis, certes, il faut admettre que la perte maternelle et le désespoir paternel ont forcément eu un impact, mais ça ne fit que raviver la flamme lorsqu'elle allait s'éteindre, cette flamme, tu la toujours nourris par toi-même.

Dix-sept ans. T'étais déjà une fervente militante depuis deux ans. Des conversations, des recherches sans fin. T'avais enfin su apaiser l'incompréhension, t'avais enfin voulu ouvrir les yeux. Tu t'étais même avérée curieuse. Une curiosité qui, rapidement, s'apparenta à une sorte de soif insatiable. Ce n'était plus l'information qu'elle nourrissait, c'était ton argumentation, c'était ton aversion jusqu'ici sans failles. Tu te souviendras à jamais de ce soir où tu as veillé toute la nuit devant ta tablette à l'affut de chaque détail sur ce fameux projet PIA. Ils avaient vaguement mentionné l'idée d'une cohabitation au préalable, ça avait tout de suite sonné dans tes oreilles comme un discours hypocrite de politique pour calmer l'animosité des étrangers. Et ça te satisfaisait clairement. Ainsi, quand les choses commencèrent à se matérialiser, tu ne pus t'empêcher d'être dans les premières à te dresser contre. Tu lâchas ton venin sur les réseaux sociaux. Et tu manifestas plusieurs jours devant le Secteur, accompagné d'autres opposants. T'étais la plus jeune, et pourtant t'étais celle qui semblais mener et guider le navire. Tu lançais les slogans, fis quelques apparition à la caméra en clamant ce que tu affirmais être des vérités. Et c'est sûrement là qu'ils ont commencé à te remarquer. T'étais beaucoup plus qu'une citoyenne insatisfaite, t'étais déjà une meneuse prête à mettre en forme ses convictions et à se battre pour. T'as commencé à te faire des connaissances, à t'affirmer davantage.

Vingt ans. Tu fais à présent partie des Red Hawks. Une fierté que néanmoins tu évites de fermement afficher. T'as commencé à y aller de plus en plus fort. Au début, c'était des manifestations, après des tags pour clamer ton hostilité, puis la violence a commencé à éclater. Evidemment, personne ne peut affirmer que tu y es pour quelque chose. Tu savais garder le sang froid et fonctionner de manière méthodique même dans tes phases les plus chaotiques. T'avais appris à garder le contrôle. Et bien que les soupçons planent sur ta jolie personne, tu ne leur laisseras jamais l'opportunité de certifier ta culpabilité. Jamais. Tu es plus prête que jamais. Tu veux une nouvelle ère. Et tu sens que les RH ne sont plus à la hauteur. Si ton "admission" fut un tourbillon de joie, tu crains que leur surplus de passivité leur fasse perdre toute crédibilité. T'es prête à tout pour que ces êtres partent. A tout. Puis maintenant que ton débile de frère s'est entiché stupidement de l'une de ces créatures, ton impétuosité n'est que décuplée.